Le Champion du Monde classique 2011 est membre du club du Joker, c'est ici qu'il a choisi de publier en avant-première le récit de l'étonnant parcours qui lui a permis d'atteindre le graal du classique.
Ce récit sera publié en partie (seulement la fin) dans le Scrabblerama d'octobre.
Outre Scrabblerama, voici une liste non exhaustive des articles relatant l'événement dans la presse.
La revue de presse
Un article signé Pierre-Yves dans le Quotidien de la Réunion :
Dans l'Indépendant à l'occasion du tournoi d'Argelès (petite erreur sur l'orthographe du patronyme, déformation Catalane sans doute) :
Sur le site classique de la Fédération Belge (FBSc) :
Sur le site de la FISF (pas très élogieux, pas trop étonnant quand on connait l'auteur du billet ......) :
Dans Mmm...euh, le journal des Championnats du Monde :
La vidéo de Jean-François alors invaincu après 8 rondes :
La vidéo de Julien Affaton avant la finale :
Le site de la FFSc (notez le caractère accrocheur de l'information, ce n'est pas avec ça que les médias auront envie de relayer l'information) :
Une animation à venir dans le cadre de la fête du Scrabble à Vidauban
Le recit complet de Jean-François
Jean-François vous fait partager ses impressions et émotions dans cet article qui paraîtra (seulement la fin du texte) dans Scrabblerama d'octobre.
La première journée (8 matchs)
Il est 8h15 ce dimanche 7 août, les Championnats du Monde de Scrabble Francophone vont démarrer. La première épreuve proposée est l’élite classique, début programmé à 9h30.
Je suis présent comme sélectionné dans l’équipe de France classique, mais surtout à ce moment précis comme acteur dans l’organisation. Je détiens l’ordi qui contient le logiciel de gestion du championnat et le module que je viens de créer qui servira à procéder au tirage au sort des matchs de la première ronde.
A noter que mon séjour à Montreux avait plutôt mal commencé quand j’ai constaté, juste avant l’open classique, que mon ordi avait mal supporté le voyage depuis Marseille et n’était plus utilisable. Heureusement, j’avais pris la précaution de stocker les données nécessaires à la gestion de l’open classique et du CdM de Montreux sur une clé USB avant de partir. Hugues Damry, l’un des deux responsables informatiques de ces championnats, mais aussi participant au classique, avait un ordi de remplacement au cas où. Il a pu me le confier, c’est ainsi que personne n’a rien vu de ce qui aurait pu être un problème majeur.
J’arrive dans la salle, il n’y a encore personne. Je connais bien la salle pour y avoir arbitré l’open la veille.
Les 25 tables sont installées avec jeux, pendules et papeterie. J’installe l’ordi, raccordement à l’imprimante et à la visionneuse, la connexion internet est bonne, on va pouvoir diffuser les résultats en direct. Tout va bien, les joueurs peuvent arriver.
Officiellement, 39 joueurs sont prévus, mais encore aucun Africain. C’est habituel, on ne sait qu’au dernier moment quels joueurs ont obtenu leur visa.
Les joueurs commencent à arriver, Hervé Bohbot m’apprend que les Sénégalais et les Béninois sont là. A l’accueil, les Gabonais et les Togolais arrivent, ainsi qu’un représentant de Madagascar et une de l’Ile Maurice.
Il est 9h30, les Sénégalais ne sont pas encore arrivés, mais on sait qu’ils sont là.
Nous arrivons à 54 inscrits, heureusement que l’on a pu installer 2 tables de plus, ça fait le compte. On va pouvoir procéder au tirage au sort.
Coup de fil de Rachid Boudjenane, représentant de la nouvelle Fédération d’Algérie, il vient de tomber en vélo tout près du palais, il nous demande de l’attendre. Il aurait eu besoin de points de suture au coude, il préfère les points de matchs. Cela fait 55 joueurs, le réserviste de l’open, Jean-Marc Orhnial, va pouvoir jouer afin d’obtenir un nombre pair de joueurs, c’est ce qui lui était déjà arrivé à Montpellier l’an dernier. Vite, installer une dernière table.
Le tirage au sort démarre, Hervé annonce les matchs affichés sur le grand écran, Rachid, meurtri mais soulagé qu’on ne l’ait pas oublié, arrive. Il est 10h, le championnat peut démarrer.
En ce qui me concerne, derniers ajustements sur le logiciel, mise en ligne des participants sur internet, et je me dirige, anxieux, vers la table 17 où m’attend mon adversaire. Je laisse l’ordi à Florence et à Benoît Delafontaine qui vont assurer l’arbitrage et l’encodage des résultats.
La partie sportive démarre pour moi, pas eu le temps de gamberger.
1ère ronde : Sullivan DELANOE (France)
Je n’ai jamais joué contre lui mais je sais qu’il est redoutable. Il s’est qualifié la veille par l’open en terminant 3e, il est en forme. Le tirage au sort ne m’a pas gâté.
Je démarre par un DRINK 50 puis ECHOUAS 79 qui me donnent une avance de 80 pts après 3 coups chacun. Il réplique avec VELCHES 83 aussitôt contré avec REGLATES 72. Je mène le milieu de partie, mais ne suis pas tranquille, il joue bien. Je tire le dernier joker et attends l’ouverture. Il joue EPELAIS 74, MOLY 48 et CAF 35 pour prendre une avance de 50 pts, je peux enfin jouer mon joker avec SOULTES 66, plus que 10 pts de retard, je prends les 4 dernières lettres, je vois qu’il est ennuyé par son tirage, il a le Q et sait que j’ai le X. Il joue QUAI 22 et ne me bloque pas EX 50, il peut jouer ses dernières lettres, mais ne peut me remonter.
Victoire : 459-448 (+11) Classement général : 26e (1 victoire 0 défaite).
2e ronde : Jean-Michel BLEUS (Belgique)
Un autre joueur que je ne connais pas et contre qui je n’ai jamais joué. Il m’explique qu’il est nouvellement licencié après avoir fait ses preuves sur ISC. Sélectionné en équipe de Belgique dès sa première année. Il doit y avoir du talent, mais peut-être de l’inexpérience. A creuser.
Ca commence bien : CIVETTE 72 au 1er coup, mais il répond avec CONFINS 83. Je joue RACOLERA 70, il rejette ses lettres. Je joue AUMAILLE 61 et non MURAILLE en espérant qu’il conteste mon mot, c’est ce qu’il fait, ça fait 5 pts de plus, il répond avec REMEDIAI 74, j’ai alors 50 pts d’avance après 4 coups chacun. Je vais défendre cette avance jusqu’au bout, il ne scrabblera plus. De plus, il me laisse la place pour NOIX 71, JE 50, et je peux même scrabbler LIEGERAI 59 sur une de ses ouvertures.
Victoire : 538-418 (+100) Classement général : 9e (2 victoires 0 défaite).
3e ronde : Patrick ROSSIRE (Suisse)
Je connais bien Patrick, il fait, comme moi, partie de la Commission Classique de la FISF, nous avons arbitré ensemble l’open la veille. Je ne l’ai jamais rencontré et ne connais pas sa façon de jouer. Il fait partie de la nouvelle vague des jeunes joueurs suisses aux dents longues, méfiance.
Je commence avec DEMELAS 70 puis AUDOISES 63 contre HEBETAI 44 et TERCAGE 74 que je n’ose pas contester mais aurait dû, ce n’est pas valable. Peu importe j’ai 2 lettres importantes en main : le X qui me permet EX 67 et le V qui me rapporte 53 pts le coup suivant en transformant, ironie du sort, AUDOISES en VAUDOISES, Patrick habite dans le Canton de Vaud. Mais ce n’est pas gagné, il joue ENLOGEE 86, et nous voilà à égalité parfaite en milieu de partie. C’est alors que toute la technique du classique a parlé. D’ouvertures en blocages, chacun réplique en marquant le plus de points possibles sans trop s’exposer. J’ai pu fermer définitivement la grille grâce à TANNISAS 58 et ensuite poser mes dernières lettres pour l’emporter sur le fil de 13 pts.
Victoire : 483-470 (+13) Classement général : 6e (3 victoires 0 défaite).
Il ne reste plus que 7 joueurs avec 3 victoires, je vais donc rencontrer l’un d’eux.
C’est la pose repas, reprise à 13h30 précises, heure de déclenchement des chronos, c’est même moi qui l’annonce (précision importante pour la suite).
Tout le monde est parti manger, je fais le point sur les nations présentes, mets un commentaire et les résultats sur internet, lance le tirage des matchs de la 4e ronde et quitte la salle.
Je trouve un sandwich et vais décompresser au bord du lac. Coup de tonnerre, je regarde l’heure : 13h40 ! Je me précipite vers la salle, tout le monde joue, mon adversaire Yves Brenez m’attend, il n’a pas déclenché le chrono, il aurait pu, je l’en remercie.
4e ronde : Yves BRENEZ (Belgique)
Yves est un habitué du classique, très impliqué dans le développement du classique en Belgique, c’est une grosse pointure, je ne crois pas l’avoir déjà rencontré.
Je suis un peu essoufflé et penaud à cause de mon retard. Il démarre avec CREDITS 74, heureusement je réplique avec DECLINES 72 et peu après SIROTIEZ 106 qui me permet d’entrer vraiment dans la partie, puis LIGNATES 59 et HARPERAS 64 qui me donnent jusqu’à 140 pts d’avance. Avec une grille grande ouverte et un adversaire de cette valeur, je sais que la partie n’est pas encore gagnée. Et arrive la séquence qui aurait pu s’avérer décisive. Yves joue REBOUCLA 82, il le joue tellement vite que je n’ai pas le temps de réfléchir si le mot est correct, je ne le conteste pas. Après coup, je suis persuadé qu’il n’est pas bon ne serait-ce que par la façon inhabituellement précipitée avec laquelle il l’a joué. J’ai la possibilité de mettre un T au bout de ce mot erroné et me retiens, il peut me contester REBOUCLAT. En jouant TOUERAS 79, il revient à 4 pts, nous sommes en fin de partie, la gestion des lettres restantes m’a permis de l’emporter de 3pts. Ouf !
REBOUCLA n’est pas correct, Yves le savait, il a joué le tout pour le tout, c’était sa seule façon de recoller au score, il aurait contesté si je l’avais prolongé. Ca fait partie du jeu. On a appris en fin de partie qu’il aurait pu jouer l’anagramme : AEROCLUB.
Victoire : 501-498 (+3) Classement général : 4e (4 victoires 0 défaite).
Nous ne sommes plus que 4 joueurs invaincus, lequel vais-je rencontrer ?
5e ronde : Lionel DELPUECH (France)
Lionel, comme moi, fait partie de la Direction du Scrabble Classique de la FFSc, on se connaît très bien. Voilà le premier adversaire de ce championnat dont je connais parfaitement le jeu pour l’avoir rencontré à maintes reprises. Nous devons avoir un bilan de victoires équivalent lors de nos confrontations. Ca va jouer serré.
Petit départ en collantes jusqu’à ce que je joue AURIFIAS 61 qui ouvre un nonuple. Lionel ne peut pas nonupler, mais peut jouer DETRAQUE 122. Il ne le joue pas car il laisserait la case A15 libre au bout de son mot, il se contente de TAQUEE 63. Il a bien fait, j’aurais pu totaliser 125 pts avec ENROLAI en 15A. Je joue quand même AILERON 71, ce qui nous laisse quasiment à égalité au score. La suite de la partie est une succession de petits coups tactiques plus rémunérateurs pour Lionel qui prend jusqu’à 50 pts d’avance. Une de mes ouvertures me fut bénéfique, pouvant placer RALANTE 66 répliqué par ENTRETUE 74. Pour ma part, SIXTE 42, LEVIGEA 68 et finalement NAZCAS 36 pour placer mes dernières lettres me donnent une victoire, dont l’ampleur du score est très flatteuse.
Victoire : 456-370 (+86) Classement général : 2e (5 victoires 0 défaite).
Seul Luc Maurin et moi avons gagné tous nos matchs, nous allons nous rencontrer à la table 1, table que je ne quitterai plus jusqu’à dernière ronde.
6e ronde : Luc MAURIN (France)
Luc s’est qualifié pour ce championnat par l’open la veille où il n’a perdu qu’un seul de ses 8 matchs. Il s’agissait de son premier tournoi en classique. Il vient d’aligner 5 victoires sur ce championnat, on connaît son niveau en duplicate (Super Série), c’est du sérieux.
DEMENONS 82 pour moi puis ARROSEES 66 pour lui sont les seuls scrabbles de ce début de partie où, en valorisant les lettres chères, je réussis à prendre une cinquantaine de pts d’avance. Luc me laisse l’ouverture pour jouer OYE 72 mais il réplique avec un scrabble à 79 pts. Nous sommes en milieu de partie, j’ai toujours mes 50 pts d’avance. Mon travail consiste à les préserver en évitant toute ouverture dangereuse et en contrant les ouvertures adverses. Malgré des tirages déplorables, je suis arrivé à mes fins, Luc espérant la moindre ouverture pour porter l’estocade, il avait les tirages mais jamais de place disponible. Match solide et usant.
Victoire : 472-408 (+64) Classement général : 1er (6 victoires 0 défaite).
Je suis en tête du championnat du monde. Incroyable ! Et seul invaincu. Je me souviens alors de l’Open de France de cette année à Nîmes où je me suis retrouvé dans la même situation (1er avec 6 victoires 0 défaite), j’ai ensuite subi 4 défaites sur les 4 derniers matchs. Je n’aimerais pas que cela se reproduise.
Maintenant, il faut rencontrer le nouveau 2e du classement.
7e ronde : Pascal ASTRESSES (France)
Voilà, comme Lionel, un adversaire que j’ai rencontré très souvent. Le solde des victoires dans nos confrontations est largement à son avantage. Nos matchs donnent souvent des grilles très ouvertes, il va falloir, si possible, éviter d’ouvrir trop.
Pascal commence fort avec RIBOULA 74 et PEINARDE 65, je limite les dégâts avec LIVRATES 62, ça fait quand même 100 pts de retard. VETIMES 75 me permet de presque recoller au score tout en fermant le jeu. Je profite d’une tentative d’ouverture de Pascal et joue NEIGEUSE 60 qui n’ouvre pas non plus, 40 pts d’avance, je reviens de loin. Une dernière tentative désespérée d’ouverture de Pascal et je finis la partie avec MASQUER 72.
Victoire : 470-368 (+100) Classement général : 1er (7 victoires 0 défaite).
Je viens de battre mon record de la plus grosse série de victoires consécutives, de plus, je suis maintenant sûr de ne pas compter plus de défaites que de victoires en fin de championnat.
Parmi mes poursuivants, ils ne sont plus que 2 joueurs avec 1 seule défaite.
8e ronde : Mamadou GUENE (Sénégal)
Voilà le premier joueur africain sur ma route. Je ne connais pas Mamadou, il en est à 6 victoires. On sait que l’Afrique sort chaque année de nouveaux talents en classique. Les Africains sont des spécialistes. J’appréhende cette confrontation.
Les 2 premiers tiers de la partie sont une succession de coups techniques où les 2 gros coups sont YAM 65 pour moi et TIENNES 84 pour Mamadou, on est à égalité. Puis il joue COMATEUX 63 avec les 2 jokers auquel je réponds avec GITERAIS 61. C’est finalement un choix de blocage de Mamadou qui me permet de valoriser le X avec XERUS 55 qui me donne un avantage décisif en fin de partie et qui a la vertu de fermer définitivement la grille, les 4 derniers coups ne changeront pas l’écart en ma faveur.
Victoire : 441-393 (+48) Classement général : 1er (8 victoires 0 défaite).
Le 2e au classement, Luc Maurin, est le seul avec 7 victoires, 6 joueurs suivent avec 6 victoires. J’ai 2 victoires d’avance pour une place en finale. C’est inouï. Mais il reste 6 matchs à disputer, tout peut changer. Dans mon esprit, pas question de penser à une éventuelle finale.
Il est 18h, c’est fini pour cette première journée, la suite mardi à 18h pour les 6 dernières rondes. Il est temps d’oublier tout ça et d’aller disputer les originales.
La deuxième journée (6 matchs)
Mardi 9 août 17h, je viens de finir le blitz puis les originales. Pas de fatigue particulière, au contraire ça m’a évité de stresser.
La salle est prête. J’installe ordi, vidéo, imprimante. La connexion internet est toujours impeccable, je peux imprimer le livre d’or et l’afficher. Les joueurs et les arbitres arrivent, à 18h tout le monde est là. Ca reprend.
9e ronde : Amar DIOKH (Sénégal)
Amar est pour moi une connaissance de longue date. Il fait partie de la Commission Classique FISF. Il m’a toujours battu jusqu’au dernier Vichy où j’ai enfin trouvé la clé : ne pas lui offrir facilement l’occasion de scrabbler.
Je suis le premier à scrabbler LOGERAIT 70 au 3e coup, ce qui me donne une avance de 60 pts. A partir de là, j’ai suivi ma ligne directrice : marquer des points sans danger. Il fera bien ETIREUR 70 sans conséquence sur ma position de leader de la partie. Il a fallu s’armer de patience, la partie a duré 31 coups mais se solde par une victoire.
Victoire : 468-343 (+100) Classement général : 1er (9 victoires 0 défaite).
Luc Maurin a perdu son match, mes plus proches adversaires sont maintenant 4 avec 2 défaites. Je songe de plus en plus à ma première défaite.
10e ronde : Serge EMIG (France)
Serge doit être un des joueurs que j’ai le plus souvent rencontrés. Nous devons être à peu près à égalité dans nos confrontations. Notre dernier match fut pour moi une cuisante défaite à l’occasion des Interclubs Nationaux en juin dernier. J’ai espoir, mais si je dois perdre un match, autant que ce soit contre ce joueur qui illustre parfaitement le côté convivial et fair-play du classique.
Beaucoup de petits coups jusqu’à ce que je place LESIONNA 73 qui me donne une dizaine de points d’avance en milieu de partie. Il joue YORUBAS 75 auquel je réponds immédiatement par QUELLE 42. Après 26 coups, nous sommes à égalité parfaite. Puis vient le tournant. Serge pense pouvoir jouer un coup sans conséquence, croyant qu’il ne restait qu’un E en jeu, et ouvre une place en 15A, or j’ai 2 E en main et peux placer en collante ETEUF 44, il ne reviendra plus.
Victoire : 403-360 (+43) Classement général : 1er (10 victoires 0 défaite).
Les résultats des autres matchs me sont favorables. Seul 1 joueur, Luc Maurin compte 2 défaites, ils sont 8 avec 3 défaites. J’ai 3 victoires d’avance pour la finale. 1 seule victoire sur les 4 derniers matchs pourrait m’assurer une place en finale, c’est ce qu’on me dit, mais je ne veux surtout pas l’entendre. Ayant déjà rencontré le 2e, je vais jouer contre un joueur à 3 défaites.
11e ronde : Boubacar MANE (Sénégal)
Boubacar est un habitué des championnats du monde. Je ne l’ai jamais rencontré. Il a l’expérience, il est bien placé, il est Africain donc danger.
Il commence mieux la partie avec ELECTRET 80 et bonne valorisation des lettres chères contre INTRIGUE 66 pour moi qui lui donne une avance de 20 pts. J’arrive à prendre les devants avec LUTERAI 79. La fatigue se fait sentir pour la première fois, je laisse passer des occasions pour mon adversaire de recoller au score. Tout reste à faire. Je joue ZONA 46 qui semble me donner de l’avance, en fait, ce coup me fait perdre pour avoir oublié une place aussi lucrative qui l’aurait empêché de jouer FAUSSENT 71. Voilà ma première défaite.
Défaite : 401-437 (-36) Classement général : 1er (10 victoires 1 défaite).
Luc Maurin perd aussi son match, ils sont 8 derrière avec 3 défaites, je n’ai plus que 2 victoires d’avance pour la finale.
12e ronde : Julien AFFATON (Bénin)
Encore l’Afrique. Julien a terminé 4e des derniers championnats du monde à Montpellier alors que la finale lui paraissait promise à 3 matchs de la fin. Tiens, voilà ce qui pourrait m’arriver.
Je ne l’ai jamais rencontré. C’est du très sérieux. Je n’en mène pas large. De plus, je suis assez énervé suite à un litige finalement sans conséquence qu’il a fallu régler dans un autre match de la 11e ronde.
Début fermé où j’arrive malgré tout à placer SERIERAI 68. Je risque METICALE dans la foulée, il conteste, il a raison (METICAL est une monnaie, donc pas de E final). Il n’y aura plus un seul scrabble dans la partie. J’ai compté jusqu’à 72 pts d’avance, mais n’ai jamais pu l’empêcher de valoriser ses tirages. Certes, il n’a pas pu scrabbler, mais a réussi à placer des solutions entre 40 et 50 pts auxquels je n’ai pas pu répliquer.
Défaite : 343-380 (-37) Classement général : 1er (10 victoires 2 défaites).
Ils sont 3 à ne compter qu’une défaite de plus que moi. La meute se rapproche. Je ne peux pas me résoudre à penser que je n’atteindrai pas la finale après avoir fait la course en tête aussi longtemps. Il faut se réveiller.
13e ronde : Egno DEGBE (Togo)
Toujours l’Afrique. Je ne connais pas ce jeune joueur du Togo. Il compte 4 défaites, j’ai déjà rencontré tous les joueurs à 3 défaites. Peut-être l’occasion de remporter cette victoire qui me manque.
FLEURAS 78 pour moi, REVOLTAS 65 pour lui, JUMPER 64 et ARAK 69 pour moi, DELAINAI 86 pour lui, AGENCEES 62 pour moi, IXENT 72 pour lui. C’est ainsi qu’aux deux tiers de la partie je me retrouve avec 50 pts d’avance. La grille est assez fermée, il n’y a plus qu’à colmater, ce que j’arrive à faire malgré son joker et ses tirages scrabblables. Il finit par jouer VENTILOS 63 en appui sur le O, mais heureusement, il tire les 2 dernières lettres dans le sac. Je peux ainsi rallonger REG en REGLONS 39 qui me donne une victoire remportée de haute lutte. Cette partie est l’illustration que l’on peut gagner en classique même si les tirages sont moins harmonieux que ceux de son adversaire. Franck Maniquant, qui a suivi toute la partie, peut témoigner.
Victoire : 459-448 (+11) Classement général : 1er (11 victoires 2 défaites).
Un rapide coup d’œil au classement m’informe que 2 joueurs sont à 3 défaites. Si le match entre ces 2 joueurs (Julien Affaton et Boubacar Mane) n’a pas encore eu lieu, alors ils vont se rencontrer et ainsi je serai sûr de disputer la finale contre le vainqueur de ce match. Je suis à l’encodage des résultats et n’ai pas le temps de le leur demander. La composition des matchs s’affiche : les 2 joueurs à 3 défaites vont s’affronter, je suis en finale. J’ai du mal à réaliser.
14e ronde : Rachid BOUDJENANE (Algérie)
Rachid est le représentant et fondateur de la toute nouvelle Fédération Algérienne. Il me rappelle que notre dernier match avait tourné en sa faveur. C’est un fin tacticien (cf ses jeux classiques dans Scrabblerama). Il est très motivé et espère hisser haut les couleurs algériennes. Je lui dis que, bien que déjà qualifié, je jouerai le jeu jusqu’au bout.
Rachid part bien et prend jusqu’à 90 pts d’avance après 3 coups chacun grâce notamment à LITERAS 72. Mais, par la suite, le tirage me sera tellement favorable que je vais jouer le match le plus tranquille de ses championnats. J’aligne PEIGNER 78, COMPETAT 84, FUSIEZ 92, AVALISE 75 et CARENES 85 auxquels il ne peut répondre que par DEROULEE 74, KHOL 52 et TAXINEE 70.
Victoire : 540-456 (+84) Classement général : 1er (12 victoires 2 défaites).
Le match Boubacar MANE – Julien AFFATON n’est pas encore terminé, je choisis de ne pas y assister. Il s’agit des 2 joueurs qui m’ont infligé mes 2 défaites. Quel que soit le vainqueur, il aura un ascendant psychologique sur moi en finale. Tant mieux.
J’apprends que Julien l’emporte suite à un incroyable dénouement. Boubacar menait, mais se fait surprendre par la pendule. Il a atteint les 20 mn disponibles, Julien peut jouer seul et n’a plus qu’à valoriser ses tirages pour dépasser Boubacar.
Julien se qualifie ainsi pour la finale. Après un départ raté (2 victoires 3 défaites après 5 rondes), il aligne 9 victoires consécutives. Je me dis que cette série doit pouvoir s’arrêter très bientôt.
Après Gilles Sauze à Montpellier, pour la deuxième année consécutive, un joueur marseillais va disputer la finale des championnats du monde classique, voilà qui devrait redorer le blason du fantastique Comité Provence. J’ai peur de ne pas pouvoir faire mieux que lui en finale (Gilles avait perdu contre Christian Coustillas).
La finale
Jeudi 11 août 21h30, c’est l’heure prévue, mais la dictée est encore en cours. Les parties de l’après-midi ont pris du retard et décalé le programme. Le classique, encore une fois casé en fin de programme en fait les frais, cela risque de clairsemer l’assistance qui voulait assister à l’événement.
Ma présence en finale a quelque peu bouleversé l’organisation de la retransmission. Comme d’habitude, je devais me trouver derrière l’ordi pour encoder la partie, en effet, depuis que j’ai créé ce petit logiciel, personne d’autre que moi ne l’a encore fait fonctionner. C’est d’ailleurs la raison première de ma présence à Montreux ce jeudi. On peut remercier Hugues Damry qui s’est spontanément proposé pour me remplacer. Quelques essais et il est prêt.
Il est 22h30, la finale va démarrer. Elle se déroule sur l’estrade de la salle duplicate, les spectateurs se trouvant dans la salle de projection un étage plus haut. Hervé Bohbot est l’arbitre, Alain Tachet assure les commentaires.
A ma grande surprise, je ne ressens aucun stress, ce qui ne semble pas être le cas de mon adversaire.
La victoire reviendra au premier qui aura gagné 2 matchs, le match joué lors des 14 rondes n’étant pas pris en compte.
Finale 1er match
Tirage au sort : c’est Julien qui démarre la première partie.
Je tire tôt dans la partie le 1er joker et hésite ente ANEMONE qui ouvre avec le A et MELONNE qui ouvre avec le E, je choisis ANEMONE 76. Mauvaise intuition, Julien utilise le A pour HALEZ 72. Il possède alors 24 pts d’avance. Je tire le 2e joker et peu jouer après un coup d’attente INCLINER 60. Il pose RUNIQUE 69 qui provoque la première grande brèche sur la grille dans laquelle nous allons nous engouffrer tous les deux. Il s’en suit donc une série digne d’une partie duplicate. Je pose OSERAIS 89, lui DERIVETE 74, moi OUATEES 74, lui SWEAT 72, moi EPOUSANT 76 pour arriver à un score de 30 pts en ma faveur que je pourrai gérer jusqu’à la fin.
Victoire 532-497
Il est temps d’aller retrouver le public pour leur donner nos impressions et la raison de nos choix de jeu. Malgré l’heure tardive, il y a du monde, ça fait plaisir.
Finale 2e match
C’est à moi de démarrer, mon premier tirage ne peut pas scrabbler, je décide de rejeter 2 lettres pour ne pas ouvrir d’entrée, c’est donc Julien qui joue le premier mot DUT 8. S’ensuit quelques petits coups qui ne nous départagent pas. Je tire les 2 jokers d’un coup. La grille est fermée, il va falloir patienter. J’ai manqué FORCINGS sur le G seul appui possible. J’ouvre avec un C, il joue PINACEES 76, je peux placer NIDIFIAS 61 dans la foulée avec l’impression d’avoir gâché mes 2 jokers, d’autant qu’il place AVOINER 90 en collante sur les 3 dernières lettres de NIDIFIAS. Résultat 57 pts de retard malgré les 2 jokers, c’est mal parti. Pas vraiment le temps de gamberger, PESERAIS 83 nous remet à égalité parfaite. 3 coups chacun d’observation et Julien attaque le premier, je ferme immédiatement en veillant bien de garder MI qui, avec un A, me permettraient de former un KAMI bien caché pour 60 pts. Il joue EMMURE 30 en 15J. Je n’ai pas tiré de A, mais mon MI me permet de poser EMBELLIE 86. Il conteste parce que c’est sa dernière chance de ne pas être distancé, ça me fait 5 pts de plus. Julien a encore espoir de placer un scrabble, mais ouvre en désespéré et me permet de placer WATT 48. Il reste encore quelques lettres à jouer, j’ai 100 pts d’avance, seul le Z pourrait poser problème, mais le scrabble est maintenant impossible. Je me dis que c’est gagné, c’est l’euphorie intérieure, il faut se reprendre et rester concentré. Je mets 2 coups à placer mes 4 dernières lettres, j’aurais pu les jouer très facilement en un coup, je n’y étais plus. Finalement pas de mauvaise surprise. Julien me dit que j’ai gagné.
Victoire 495-410
Retour à la salle de projection, Alain nous attend. Les applaudissements, les félicitations. Content d’être là. Des pensées pour Balobo. Quelques commentaires sur la partie. Ne pouvant être présent pour la remise des prix, on me remet mon trophée, une superbe vache en émaux fabriquée artisanalement. Les photos. Julien, ton tour viendra très prochainement.
La retransmission s’est bien déroulée, Hugues a assuré. Il est 1h, le rêve est terminé.
Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont encouragé ou félicité, c’est sans doute ce que je retiendrai en premier lieu de cette belle aventure.